defi2

Une cooperation entre Woluwe-Saint-Pierre et Musambira

1. Un peu d’histoire… Huit ans après l’indépendance du Rwanda, la commune de Woluwe-Saint-Pierre s’est jumelée avec la commune rwandaise de Musambira, village de l’ambassadeur du Rwanda de l’époque, située à 35 km de Kigali sur la route reliant la capitale rwandaise à Butare. En 1970 nos communes vivaient une année d’élections locales. La motivation de l’autorité wolusampétrusienne de 1970 s’avérait être plus électoraliste que sincère. Cette histoire d’amitié a vraiment commencé dès 1971 avec l’arrivée d’un nouveau bourgmestre, M. François Persoons. Durant la première dizaine d’années de relations, les projets réalisés furent essentiellement des investissements d’infrastructures (réalisation d’adduction d’eau, construction d’un centre de santé, mise en œuvre d’une ferme-pilote,…). Une seconde période fut caractérisée par le soutien de la commune de Woluwe-Saint-Pierre à une ONG active sur les territoires de Musambira et menant des projets agricoles et d’aide à des micro-crédits et à des « crédits-chèvres ». Cette période fut secouée par le génocide de 1994 ce qui ralentit les relations. C’est au début des années 2000 que les relations furent relancées par l’échevin en charge des jumelages Serge de Patoul. Le jumelage s’adapta à l’évolution administrative et s’élargit au district de Ruyumba qui regroupait l’ancienne commune de Musambira et la commune voisine de Mugina. Depuis, d’autres modifications administratives ont eu lieu élargissant le territoire. Ruyumba est intégré dans le district de Kamonyi. Comme ce nouveau district présente un territoire de grande taille, il a été convenu entre les partenaires de maintenir le territoire de l’ancien district de Ruyumba comme lié avec les liens du jumelage avec Woluwe-Saint-Pierre. 2. Les collaborations entre les deux entités au cours du 21ème siècle sont caractérisées par le transfert de compétences Durant ces dix dernières années, les relations se sont basées sur une logique de transfert de compétences en matière de gestion locale. C’est ainsi qu’en 2002 un projet d’envergure axé sur la bonne gouvernance par la mise en place et l’utilisation de la micro-informatique, a été réalisé dans le bâtiment administratif de Musambira. Comme Musambira n’était pas électrifié, le projet a aussi équipé les bâtiments communaux en panneaux solaires afin d’arriver à une autonomie énergétique. Il s’agissait là d’un projet totalement novateur qui avait pu être réalisé grâce au programme de coopération entre institutions locales initiées par le secrétaire d’état à la coopération de l’époque, M. Bouteman . En 2005, dans le cadre du même programme, un approfondissement du travail a été effectué. En parallèle à ces missions, un ensemble d’actions impliquant les citoyens Wolusampétrusiens a été mené, comme la récolte de lunettes en vue de les distribuer à la suite d’un examen de la vue pour rendre la vue à des aveugles qui s’ignorent , l’envoi de livres pour jeunes et de manuels scolaires, l’équipement de centres de santé, … 3. Woluwe-Saint-Pierre obtient un projet dans le cadre d’un programme européen L’Union Européenne lance des programmes de coopération dont certains sont ciblés sur un état. Certains de ces programmes présentent un intérêt pour les pouvoirs locaux : ils sont éligibles et les financements sont de leur niveau . Le projet doit être déposé avec au moins un partenaire du sud. La contribution européenne est de 75% du coût du projet si le gestionnaire de projet est une institution du nord et 90% si le gestionnaire est du sud . La commune de Woluwe-Saint-Pierre a répondu à l’appel à projets européen en 2008 (non approuvé) et en 2009. L’expérience 2008 a permis d’acquérir l’information sur les attentes du bailleur de fonds. Le projet sélectionné en 2009 a comme thème l’« Education comme droit et responsabilité de tous », projet basé sur la bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté et la mise en œuvre de mesures en vue de l’égalité des genres. Le coût est de 215 920 € dont près de 75 % sont financés par l’Europe. L’investissement communal pour l’obtention du projet est estimé à l’équivalent de trois mois de travail temps plein d’une personne . Le projet de 2009 a été déposé en partenariat avec l’ONG rwandaise ADENYA . Cette ONG bénéficie d’une expérience dans ce domaine, élément indispensable pour montrer au bailleur de fonds la capacité de mener à bien le projet soumis. Dans le cadre des programmes européens pour le Rwanda, Woluwe-Saint-Pierre est la seule entité publique de toute l’Europe à avoir obtenu un financement. 4. Le projet européen « Éducation comme droit et responsabilité de tous » 4.1. Contexte et objectifs du projet Le secteur de Musambira regroupe 7 écoles comprenant 6000 élèves et près d'une centaine d'enseignants. L'objectif global du projet consiste à augmenter la qualité et l'accessibilité de l'éducation de base pour tous. Il s’inscrit dans la politique défendue et mise en œuvre par l’état rwandais, à savoir assurer un enseignement pour tous. Le projet a deux axes. Le premier est d’associer les parents à la gestion des écoles par le renforcement des comités de parents. La volonté est d'impliquer les parents dans la formation de leurs enfants et dans la gestion des écoles avec les directions. Les objectifs sont d’une part avoir une meilleure gouvernance des écoles et d’autre part maintenir les enfants dans les écoles en mettant en évidence l’importance pour les enfants de suivre leur scolarité. Il s’agit aussi d’établir une forme de contrôle social en vue de mettre en place un mécanisme d’intervention de l’école dès qu’apparaissent des indices sérieux d’abandon d’un enfant. Néanmoins trop d’enfants abandonnent leur cursus scolaire. Souvent des raisons financières en sont les causes malgré la gratuité de l’enseignement. Les besoins matériels pour suivre l’enseignement représentent une charge pour le budget des familles. De plus, il existe, pour la famille, un manque à gagner dû au fait que l'enfant qui va à l’école n'est plus disponible pour travailler, entre autre, dans les carrières locales ou dans la capitale du pays, Kigali. Dès lors, le second axe du projet vise la création de classes de rattrapage, en vue de permettre aux jeunes, ayant abandonné les cours, de réintégrer l’école. Il faut savoir que l'enseignement au Rwanda est obligatoire jusqu'à la troisième année du secondaire. Pourtant, lors de notre visite en octobre 2010, il avait été constaté que des enfants inscrits en 1ère primaire, seule la moitié de ceux-ci arrivent en 6ème. Plusieurs explications sont possibles, comme le phénomène du redoublement ou la meilleure fréquentation de l’école dès la 1ère primaire. Les informations statistiques récoltées, mêmes quelques peu imprécises, étaient suffisamment explicites que pour percevoir l’existence d’un processus d’abandon scolaire substantiel. Il est à noter qu’à la suite de la mission de 2002, un système de parrainage d’enfants a été organisé. C’est ainsi que plus de 500 enfants bénéficient d’une bourse pour suivre leur enseignement. 4.2. Les missions dans le cadre du projet En septembre 2010, une mission a été menée en vue de lancer le programme « Education comme droit et responsabilité de tous » avec l’ONG ADENYA et les autorités locales de Musambira et du district de Kamonyi. Il avait été décidé que pour le début de l’année scolaire 2011 (l’année scolaire s’étale sur une année civile) les classes de rattrapage devaient être réhabilitées, la structure organisationnelle du projet mise sur pied et le coordinateur en charge de la gestion des associations de parents engagé et son travail entamé. En février 2011, une seconde mission a été effectuée en vue de faire l’état des lieux d’avancement du projet ainsi que des autres actions menées dans le cadre du jumelage. 4.3. L’avancement du projet Six classes ont été réhabilitées. Trois l’ont été au village de Musambira dans les locaux de l’ancienne ferme pilote inoccupée depuis plusieurs années et trois autres ont été réhabilitées dans l’école de Mpushi située dans le secteur de Musambira à 3h de marche du village de Musambira. Ces classes réhabilitées avaient été visitées en octobre et nécessitaient effectivement une rénovation substantielle pour en faire des locaux susceptibles d’accueillir les élèves dans une classe acceptable. 4.3.1. L’organisation des classes suit la logique Chaque classe rassemble les élèves pour deux années d’enseignement. La classe de niveau 1 accueille les élèves suivant les cours de 1ère et 2ème année primaire, la classe de niveau 2 les élèves de 3ème et 4ème année primaire et la classe de niveau 3 les élèves de 5ème et 6ème année primaire. En fin d’année scolaire, les élèves en classe de niveau 3 présenteront des examens nationaux pour l’obtention de leur diplôme de primaire. Chaque site a les 3 niveaux. Les élèves ont été placés dans les classes à la suite d’un test de connaissance. L’enseignement se donne le matin et l’après-midi. 4.3.2. Les données des inscriptions des élèves pour les deux sites Le tableau reprend la population totale par niveau et par âge Niveau <15ans 18ans="">18ans Totaux 1 38 44 29 111 2 16 72 40 128 3 16 55 19 90 TOTAL 70 171 88 329 Il faut noter qu’au niveau 1, 19 élèves (11 à Musambira et 8 à Mpushi) n’ont jamais fréquenté l’école. Une rapide analyse des données statistiques permet de dégager les enseignements suivants : - le besoin de classes de rattrapage est évident - le site de Musambira étant plus accessible, il accueille plus d’élèves, 200 à Musambira et 129 à Mpushi - les classes ont entre 38 à 78 élèves - la population d’élèves adultes (plus de 18 ans) est de 88 dont 63 à Musambira - l’hétérogénéité des âges constitue une difficulté supplémentaire, la majorité des élèves ont entre 15 et 18 ans. 4.4. Les perspectives Suite au lancement du projet, il apparait nécessaire de prolonger les classes de rattrapage par l’organisation d’ateliers ou classes de formation professionnalisant. Effectivement, au vu de l’âge de la population des élèves, l’objectif à poursuivre pour les élèves plus âgés est l’acquisition des capacités de lire, d’écrire, de compter, de calculer, de résoudre des problèmes en vue de pouvoir suivre une formation professionnalisant assurant une intégration dans la société et une source de revenus. Outre l’extension du projet actuel à d’autres secteurs, l’élargissement de l’action à des formations professionnalisant constitue des initiatives susceptibles de s’inscrire dans le dépôt de nouveau projet. Plusieurs questions ont été débattues à l’occasion de la dernière mission en vue d’assurer la bonne exécution du projet. Il s’agit des problèmes liés à l’hétérogénéité des âges des élèves, la surpopulation des classes et la méconnaissance des élèves. Il a dès lors été décidé d’établir lors de l’inscription un dossier pour chaque élève afin de pouvoir connaître son histoire en vue de répondre au mieux à ses besoins de formation. Pour le public de jeunes adultes (c’est-à-dire plus de 18 ans) il a été décidé de réorienter ceux-ci vers les centres d’alphabétisation. Pour les classes de niveau 1, cette logique sera suivie dès que les candidats-élèves ont plus de 15 ans. Etant donné que ces jeunes ont fait la démarche de s’inscrire pour se scolariser, il est proposé de les encadrer en les accompagnants dans des centres d’alphabétisation en vue de les inscrire en lieu et place dans les classes de rattrapage. Pour la suite, il est décidé de ne plus inscrire des jeunes adultes dans les classes de rattrapage. L’objectif de ces différentes décisions est d’éviter de placer des enseignants face à des classes surpeuplées et confrontées à de trop lourdes difficultés pour les mener à l’obtention des diplômes d’enseignement primaire. La courte expérience ne permet pas d’apprécier des questions liées à la discipline, à l’accroche de ces élèves à l’école et aux éventuelles illusions que les élèves inscrits auraient sur l’école de rattrapage. Il ressort l’absolue nécessité d’avoir un entretien avec les candidats-élèves préalable à leur inscription et en vue d’établir des dossiers individuels évoqués ci-dessus. 5. L’organisation du jumelage Le jumelage se base sur une relation triangulaire. La relation est d’une part celle des deux institutions publiques, la commune de Woluwe-Saint-Pierre et l’ancien district de Ruyumba accompagné par une ONG rwandaise qui est « l’ambassade » de Woluwe-Saint-Pierre. Cette ONG est en lien très proche avec une ONG belge. A Ruyumba, il y a un comité de jumelage et à Woluwe Saint-Pierre une commission consultative de la coopération au développement. Cette structure permet de croiser l’information, de s’assurer de la fiabilité de celle-ci et d’associer les populations au jumelage. A cette organisation sont associés des partenaires occasionnels pour la réalisation de projet spécifique. 6. Conclusion Les relations de jumelage et la réalisation de projet de coopération ne sont pas des missions de bases d’une commune. Et pourtant, ces actions intéressent et apportent une ouverture riche qui contribue à la convivialité locale et à la construction d’amitiés internationales sincères et profondes. Une commune a la capacité d’être un acteur de coopération efficace dans le cadre de micro-projets dans le domaine de ses compétences ou de celles de sa population. Ainsi elle contribue à un développement durable du Sud en renforçant les capacités de ses pouvoirs publics locaux. Qu’on le dise pour cela se sache et que cela soit une question du débat électoral de 2012.