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Interpellation de Serge de Patoul, Député bruxellois MR-FDF, à Monsieur Benoît Cerexhe, Ministre-Président du Collège, au sujet de la politique menée concernant la prévention du suicide

A diverses occasions, notre assemblée a déjà débattu de la délicate problématique du suicide. Même si il n'est jamais facile d'en parler, le suicide n'est plus le sujet tabou qu'il était jusqu'il y a peu. Notre société prend conscience de ce problème. Le suicide touche toutes les couches de la population, à tous les âges et dans toutes les classes sociales. Il est la deuxième cause de décès chez les garçons âgés de 15 à 24 ans, la troisième cause pour les filles de cette même tranche d'âge. Le suicide est la première cause de décès chez les hommes âgés de 25 à 44 ans et la deuxième cause chez les femmes de cette tranche d'âge. Le suicide touche donc profondément nos jeunes. Mais attention, et je me permets d'insister encore sur ce point, le suicide est une cause importante de mortalité dans toute le population, comme par exemple chez les personnes âgées. Lors de la législature précédente, nous avons voté un décret concernant l'agrément des centres d'écoute et d'aides téléphoniques. Sur base de mes informations, la mise en œuvre de ce décret se passe bien. Mais celui-ci ne répond que partiellement à certains aspects de la prévention au suicide. Durant cette même législature, dans le cadre de la politique de santé mentale, toute une réflexion au sujet de la question du suicide a eu lieu sur base d'études. Mais malgré ces initiatives positives, la problématique subsiste. Pour bien comprendre où se situe l'objet de mon interpellation et pour bien souligner l'importance de ce débat, je souhaiterais, pour commencer, revenir sur la prise en charge dont fait actuellement l'objet la personne qui commet une tentative de suicide. A l'heure actuelle, le suicidant se fait la plupart du temps soigner par un médecin généraliste ou est accueilli dans des structures hospitalières. Ses blessures physiques y sont alors effectivement soignées mais l'accompagnement psychosocial du patient fait trop souvent défaut. Je précise que mon intention n'est pas ici de critiquer les médecins et les structures hospitalières qui font un travail remarquable mais qui, trop souvent, du fait d'une méconnaissance des ressources du réseau psychosocial, d'un manque de personnel ou d'une formation spécifique, ne sont tout simplement pas en mesure de prendre en charge le suicidant de manière optimale. Quelques chiffres me permettent d'illustrer mon propos. Selon une étude menée en 1998 par l'Université Libre de Bruxelles on apprend qu' «une tentative de suicide sur six a fait l'objet d'un passage par un service d'urgence hospitalier ; toutefois dans les deux-tiers des cas, ce passage n'a pas permis que l'adolescent soit examiné par un psychiatre » . Pour le centre de prévention du suicide, ces chiffres peuvent raisonnablement être étendus à l'ensemble de la population concernée. La situation est tout aussi problématique pour le suicidant après son passage aux urgences. Alors que celui-ci est effectivement orienté vers des psychologues pour une consultation, il apparaît que dans 90 % des cas ces personnes ne s'y rendent pas. Inutile de rappeler que les blessures mentales devraient faire l'objet d'une attention tout aussi importante que les blessures physiques. Ces données nous permettent de faire un premier constat : la prise en charge psychosocial du patient n'est, à l'heure actuelle, pas optimale. A cet égard, il est important de comprendre dans quelle mesure cela peut porter à conséquence sur la santé du suicidant. D'autres statistiques sont à cet égard éloquentes et ne peuvent qu'inciter à la réflexion. Selon des données fournies par la Cellule d'Intervention Psychologique du Centre de Prévention Suicide, le taux de récidive est de 15% après une première tentative de suicide et il croît de manière exponentielle pour atteindre 80% après la troisième tentative de suicide. C'est particulièrement le cas pour les sujets qui n'ont pas fait l'objet d'un suivi. On peut encore rajouter que la létalité des tentatives de suicide augmente au fil de celles-ci. Ces chiffres sont très interpellant et ne peuvent que susciter, à mon sens, une réelle inquiétude. De ces données, on peut tirer quelques conclusions importantes. Une personne qui a commis une tentative de suicide a de très fortes probabilités de réitérer son geste, la létalité de ses tentatives augmentant parallèlement. On se trouve donc confronté là à une population à haut risque, qu'il est relativement aisé de cibler, sur laquelle on pourrait mener une politique de prévention qui s'adresserait à un public prioritairement concerné et qui donnerait, à coup sûr, des résultats conséquents. La mise en place d'un suivi de cette population doit donc être une priorité. Il apparaît cependant que lors de son passage aux urgences, ou chez un médecin généraliste, on ne tient actuellement pas suffisamment compte de la détresse et de la souffrance mentale du patient. Ceci met en exergue le besoin d'avoir une structure plus souple, plus proche des personnes et qui sera capable d'initier la rencontre, de susciter une demande et, in fine, de permettre un travail de fond sur le pourquoi de cette tentative de suicide. A cet égard j'ai entendu parler d'un projet du centre de prévention suicide qui me semble particulièrement intéressant. Il s'agit de la mise en place d'une structure qui assurerait différentes fonctions et qui permettrait, in fine, d'améliorer la prise en charge et le suivi des suicidants. Cette structure assurerait différentes fonctions. Premièrement, elle pourrait remplir un rôle d'interface entre les intervenants hospitaliers et extra-hospitaliers, notamment les intervenants thérapeutiques. Deuxièmement, elle assurerait un travail ponctuel de crise. L'ambition est de prendre contact avec la personne ayant commis une tentative de suicide endéans un délai de 48 heures à compter des soins délivrés. Enfin, cette Cellule serait une ressource pour le suicidant en terme de reconnaissance de leur souffrance, de présence et de lien dans la continuité. Comme on l'a vu, c'est à ce moment que le suicidant est le plus fragile, le plus susceptible de refaire une tentative de suicide. Etant donné ses compétences en matière de Santé publique et aussi, plus particulièrement, en matière de santé mentale, la Cocof me paraît être directement concernée par cette problématique. Il est dès lors très important de connaître la position de la Cocof dans ce domaine. A cette fin, je souhaiterais que Monsieur le Ministre-Président réponde à plusieurs interrogations. Je souhaiterais savoir quel a été le travail réalisé par le Collège pour favoriser la collaboration entre les services d'urgence, les médecins généralistes et les acteurs susceptibles de mener à bien la prévention contre le suicide. En outre, le Ministre de la santé publique au gouvernement fédéral, Monsieur Rudy Demotte, a mis sur pieds un sous-groupe de travail « suicide » au sein de la table ronde « Service Santé Mentale », comité interministériel regroupant les Régions et Communautés en vue de mettre en place un plan d'action fédérale de lutte contre le suicide. Lors de cette table ronde, un plan d'action fédéral pour améliorer la prise en charge des suicidants a été présenté. Divers sujets concernant, notamment, l'amélioration de la coordination entre les différentes autorités compétentes, le suivi et l'accueil dont devrait faire l'objet le suicidant ont ainsi été abordés. La Commission communautaire française a bien entendu pris part à cette table ronde. Pourriez-vous nous préciser qu'elles sont les points de vue qui y ont été défendus par celle-ci ? Je souhaiterais enfin connaître les suites qu'envisage de donner la Cocof à ce comité interministériel.