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Jumelage Woluwe-Saint-Pierre et Ruyumba (Rwanda)

Les institutions locales ont, en effet, des compétences qu'elles peuvent mettre au service de la coopération au développement. Ces institutions locales sont également les pouvoirs publics les plus proches des citoyens et ceux qui ont le plus de contacts avec ces derniers. L'intervention ne se veut pas exhautive mais simplement tracer des pistes sur base de quelques expériences menées. {{{ {{Quelques actions marquantes}} }}} {{Les actions avant 2000}} Le 30 juillet 1970, les communes de Woluwe-Saint-Pierre en Belgique et de Musambira au Rwanda ont décidé de créer un jumelage. Diverses actions ont été menées telles la Construction du Centre de santé, la construction d'une adduction d'eau, l'installation d'un groupe électrogène alimentant le Centre de Santé, la construction d'une ferme pilote, la mise sur pied d'une action « crédit-chèvre » permettant aux paysans d'acheter une chèvre à crédit et de la rembourser à des conditions avantageuses en un an. Le projet était conçu de manière à s'autogérer après 3 ans. Après le génocide de 1994, le Conseil Communal de Woluwe-Saint-Pierre a réaffirmé sa volonté de poursuivre le développement du jumelage avec Musambira, de reprendre le contact avec les deux communes dès que possible et d'apporter une aide financière. En 2000, la Rwanda a procédé à une réorganisation administrative profonde de son territoire, entraînant une fusion des communes. La commune de Musambira a ainsi été fusionnée avec sa voisine Mugina, formant l'actuel district de Ruyumba. {{Les actions de ce siècle}} Deux grandes missions ont été menées. La première a eu lieu en 2002 lorsque la Commune de Woluwe-Saint-Pierre a obtenu le financement de coopération axé sur la bonne gouvernance. Ce projet 2002 a consisté en la mise en œuvre de l'utilisation de l'outil informatique dans la gestion du district. Cette réalisation a été conçue en utilisant l'énergie solaire. Il faut en effet rappeler que le district n'a pas d'électricité. Il a donc fallu prévoir, dans le projet, une indépendance énergétique. Des panneaux solaires ont donc été placés avec batteries et transformateurs. En plus de la réalisation du projet, plusieurs autres objectifs ont été fixés à la mission comme, par exemple, l'apport de matériel médical et scolaire, l'examen mis en place de ressources énergétiques, la fourniture de matériel médical, la réhabilitation du système électrique du dispensaire de Musambira,... En 2004, la Commune de Woluwe-Saint-Pierre a obtenu un financement dans le même programme de coopération pour prolonger la mission de 2002. Une délégation est donc allée sur place en février 2005. Cependant, il s'est avéré préférable de faire venir le Maire de Ruyumba et un collaborateur afin de préparer la Mission et ce, pour les raisons suivantes : - Avoir l'information en vue de préparer les logiciels ; - Réaliser les prototypes à Woluwe-Saint-Pierre pour bénéficier de l'ensemble des infrastructures et de l'administration ; - Avoir le décideur pour définir les grandes options mises en œuvre dans le prototype ; - Former un employé du district aux technologies utilisées dans le projet. Grâce à cette mission, nous avons pu constater que la mise en œuvre du projet 2002 et l'utilisation des nouvelles technologies dans le cadre de la gestion du district s'avèrent être une grande réussite et fort utiles pour Ruyumba. Cette année, deux logiciels adaptés à la gestion du district ont été élaborés (gestion de l'état civil et gestion des recettes). A ce stade, le travail n'est pas terminé mais devrait s'achever à distance. En effet, la connexion Internet a été placée, ce qui nous offre aujourd'hui de grandes possibilités en termes de communication. {{{{{La coopération à la portée de tous}}}}} Les Communes sont donc susceptibles de pouvoir associer leur population à la réflexion de projets de coopération au développement. C'est ainsi que la commune de Woluwe-Saint-Pierre a créé le « Conseil consultatif au développement de Woluwe-Saint-Pierre » (CCCD) incite la jeunesse à s'ouvrir au monde. Plus particulièrement, il œuvre pour sensibiliser aux grands défis de développement du monde et il encourage les projets de coopération au développement réalisé à l'initiative des étudiants domiciliés dans la Commune de Woluwe-Saint-Pierre. Lors des ces missions, plusieurs projets ont été mis en œuvre afin de sensibiliser davantage les populations des deux Communes. Parmi ceux-ci, nous avons ; {{a) L'opération « lunettes »}} L'opération Il s'agissait de récolter, auprès de la population de Woluwe-Saint-Pierre, des lunettes qui « dormaient » dans les tiroirs. Ces lunettes ont été nettoyées et triées par dioptrie. Le triage a fait que sur 4000 lunettes récoltées, seulement 1000 ont été envoyées au Rwanda. Un ophtalmologue et une collaboratrice ont accompagné la mission 2005. Ils ont, durant six jours, donné des consultations et formé du personnel local. L'opération Chaque dispensaire possède au moins une personne apte à continuer l'opération, un stock de lunettes de départ a été laissé dans les trois dispensaires, ainsi que le matériel pour faire les examens de la vue. Cette opération s'étant avérée être un grand succès, elle va continuer. L'opération De l'expérience acquise, il ressort que ce sont des lunettes de faible dioptrie qui sont le plus nécessaires. Un appel aux bénévoles pour continuer et intensifier cette opération, ainsi qu'un appel pour récolter des lunettes seront initiés. L'ophtalmologue a également soigné certains patients. Les paires de lunettes présentant une particularité optique sont difficilement utilisables dans cette opération. {{b) Le parrainage d'élèves}} En 2002, suite à une nouvelle mission au Rwanda, la commune, interpellée par les besoins énormes de la population et plus particulièrement par les problèmes de l'enseignement, mis en place une grande action de parrainage d'élèves de Ruyumba. Si l'enseignement fondamental est gratuit et obligatoire, il n'en est pas de même pour l'enseignement secondaire. Non seulement, il n'est accessible qu'à une partie des enfants suite à un concours, mais il est également payant. Cela revient à dire que les enfants des milieux précaires, même possédant les compétences requises, n'ont pas accès à cet enseignement. C'est pourquoi un parrainage de ces enfants a été mis sur pied. Ce parrainage devait permettre de subsidier le minerval d'un élève du cycle secondaire. Le montant s'élève à 100 euros par an pour la scolarité d'un élève. Les fonds sont récoltés par le biais de l'asbl Belgique Rwanda et sont gérés par le comité chargé de la gestion du Fonds pour Indigents existant afin de contrôler la bonne utilisation des moyens financiers. Cependant, la famille reste, d'une manière réduite, impliquée dans les investissements. Le Maire considère que l'éducation et l'enseignement doivent rester leur affaire également. L'espoir est que, plus tard, les enfants parrainés deviennent, eux-mêmes, des parrains. Cinquante-quatre élèves sont parrainés pour l'année scolaire en cours. Ceci représente trois élèves par secteur du district (le district comprend 18 secteurs). Ce sont les comités de secteur qui choisissent les bénéficiaires du parrainage. Les critères suivants sont pris en considération :  L'enfant a réussi le concours d'admission au secondaire (seuls 20% des élèves terminant le cycle primaire ont une place dans l'enseignement de l'Etat).  Avoir la meilleure garantie sur la capacité de l'élève à terminer ses études.  Etre indigent et n'avoir aucune autre source financière pour faire face au coût de cet enseignement. Le processus mis en place, fait que l'ensemble des parents susceptibles d'être intéressés de voir leur enfant bénéficier du parrainage est informé. La transparence de la décision en assure son objectivité. Aux dires du Maire, cette opération popularise le jumelage au sein de la population de Ruyumba. Effectivement, celle-ci perçoit que le jumelage répond à des besoins auxquels ils sont confrontés. Deux remarques doivent être faites : - Les enfants parrainés obtiennent une aide financière supérieure à l'aide financière accordée par le Ministère Rwandais aux enfants victimes du génocide. - Le Gouvernement Rwandais est en train de tenter de mettre en place l'obligation scolaire jusqu'à la troisième année secondaire (actuellement, l'obligation scolaire se limite aux primaires). Concrètement, cette volonté se traduit par l'implantation de nouvelles écoles de proximité pour le début du cycle secondaire. Une de ces écoles a été visitée lors du passage de la mission. De ces deux remarques, une question se pose : « le parrainage d'élèves ne doit-il pas évoluer vers le financement de locaux pour assurer l'infrastructure ad hoc pour la création d'écoles de proximité afin d'avoir un effet multiplicateur plus important ? {{c) Simulation d'une classe rwandaise}} Cette initiative de sensibilisation à la coopération a été menée dans trois écoles primaires de l'enseignement communal de Woluwe-Saint-Pierre Deux objectifs principaux ont été poursuivis. D'une part, le premier objectif, le plus évident, était de sensibiliser les jeunes enfants à la nécessité d'une solidarité Nord-Sud et donc à la coopération. Plusieurs sous-objectifs étaient liés à ce premier objectif général : la mise en évidence de différences culturelles, la formulation de questions, l'aptitude à exprimer des perceptions et la prise de connaissance et de conscience de la situation d'enfants de leur âge dans des écoles du type rural en Afrique. Le second objectif, plus difficile à pouvoir faire dégager par des enfants, était la mise en évidence de la chance qu'ils ont de suivre l'enseignement et des conditions dans lesquelles ils peuvent le suivre. L'activité voulait aussi montrer aux enfants que la solidarité et la coopération peuvent déjà se réaliser au « départ de chez soi ». {Description de l'activité} L'activité a été prévue pour deux heures avec quatre séquences, chacune d'une demi-heure. La première séquence a consisté à donner un cours de mathématique durant une demi-heure avec un enseignant avec des classes de 4ème, 5ème et 6ème années primaires. Ces trois classes regroupant entre 60 et 80 élèves suivant les simulations étaient rassemblées dans un seul local de taille inférieure à une classe normale. Effectivement, dans chacune des écoles, une classe normale avait été réduite par le placement de panneaux de toile de jute. Le nombre de bancs et de chaises permettaient d'installer, suivant les groupes, plus au moins un tiers des enfants, les autres devant rester debout. Le matériel donné aux enfants était composé de quelques feuilles de papier ainsi que de quelques crayons, qui étaient en nombre insuffisant par rapport au nombre d'élèves. Ceux-ci n'ont pas eu la possibilité de prendre leur propre matériel. Durant la demi-heure, l'enseignant travaillait par niveau de classe. En l'occurrence, il notait au tableau pour un des groupes ce qu'il y avait lieu de faire, veillait à ce qu'un élève lise, et demandait au groupe de travailler pour continuer avec un autre groupe. Après la demi-heure d'enseignement, le professeur a clairement interrompu la simulation et il a laissé la place à un témoignage donné par un Rwandais. Après cette première heure, le groupe s'est divisé en deux. Une moitié des élèves s'est rendue dans un autre local pour suivre une explication de la situation au Rwanda. Cette explication a été donnée en racontant une histoire illustrée par des photos de la vie d'un enfant de leur âge. Le second groupe est resté dans le local de la simulation de la classe rwandaise. La séquence a consisté aux « questions réponses » au sujet du témoignage, à l'expression du ressenti de l'expérience d' « être un élève rwandais » et à la mise en évidence de la signification du ou des ressentis eus lors de l'expérience. Ainsi, les enfants ont posé des questions au témoin et les animateurs ont eux posé des questions aux enfants en vue de leur faire énoncer ce qu'ils avaient perçu et ce qu'ils en dégageaient comme enseignement. Cette phase importante a permis de mélanger tant la mise en évidence que les explications de la situation au Rwanda afin de comprendre les différences. {Les faits marquants} Vu le nombre d'élèves dans les écoles primaires du Rwanda, les enseignants doivent exiger une très grande discipline. L'encadrement des enfants est faible et une forme d'injustice se crée. Dans la simulation de la classe rwandaise, cette situation s'est traduite par le renvoi de la classe des élèves qui pour des raisons parfois minimes s'avéraient être, soit quelque peu turbulents, soit distraits, soit inaptes à répondre à une question. La nature des locaux ne permettait pas d'accueillir réellement tous les élèves qui composaient le groupe. Dès lors, l'enfant ainsi renvoyé permettait de faire entrer un autre qui attendait à l'entrée. En pratique, un enfant fut renvoyé parce qu'il ne pouvait lire le texte, qu'il n'avait par ailleurs pas reçu, un deuxième parce qu'il n'était pas capable de lire au tableau n'ayant pas ses lunettes, un troisième parce qu'il est arrivé légèrement en retard, ... Ainsi, suivant les simulations, cinq à six élèves ont été renvoyés. A ces élèves, il a été demandé d'observer en dehors de l'espace classe (la zone défini par les panneaux de toile de jute) la suite du déroulement du cours. Si, durant cette séquence, la perception de la sévérité était évidente, il s'est aussi dégagé chez les enfants un sentiment de traitement injuste. Cette première séquence a donc constitué pour les enfants un moment fort. Même si ceux-ci ont été quelque peu informés préalablement, ils l'ont vécu intensément. La mise en commun et les « questions réponses » sur base du témoignage ont été le second moment riche en enseignements. Soulignons d'abord que l'attitude des enfants n'était pas la même suivant le fait d'avoir ou non suivi l'histoire illustrée d'un enfant rwandais. De cette mise en commun il s'est dégagé clairement chez les enfants que le processus mis en place consistait à sélectionner d'une manière ou d'une autre. Tout en ayant de grandes difficultés à comprendre les effets d'une exclusion de l'école, les enfants ont ainsi compris que les écoliers rwandais ont un grand respect de l'école et de leur enseignant sous peine de se voir très vite éjecté. Comme c'était aisément prévisible, le Rwanda étant fort étranger aux enfants, il s'est aussi avéré très mal aisé de la faire comprendre aux enfants ce qu'est le contexte de la vie quotidienne rwandaise. Il est tout à fait normal que ce soit très difficilement perceptible, c'est aussi le cas pour des adultes surtout si la question du génocide est abordée. Pour les enfants, une difficulté est de comprendre les nuances de la situation : les pays dits en voie de développement ont tous les outils des pays développés tout en étant toujours sous-développés. Il existe à la fois toutes les technologies que nous pouvons rencontrer en Belgique et l'existence d'écoles qui fonctionnent sans le moindre matériel et dans un processus de grande sélection. Ce n'est pas le pays sauvage que l'on peut trouver dans des contes ou des bandes dessinées, mais en même temps il y a de grandes misères. Dans la même perspective, une tendance chez les enfants est de conclure à une représentation misérabiliste : les enfants sont malheureux et ils ne peuvent qu'être tristes. Cette expérimentation et la confrontation aux témoignages ont interpellé : comment dans de telles conditions, l'enfant peut encore rire, jouer, s'amuser. {Conclusions} Cette expérimentation brièvement décrite s'est avérée une réussite. Elle a mis en évidence, par des faits vécus, des différences qui montrent la chance que les enfants ont de fréquenter nos écoles. Des enfants l'ont clairement exprimé. Néanmoins, le fait qu'aller à l'école constitue une chance n'a pas été perçu de la même manière chez tous les élèves. Avoir un temps pour réfléchir à ce qui s'est passé, mettre en évidence les perceptions et leur signification est essentiel. Sans cette phase, cette simulation se limiterait presque à un jeu. Il est important de souligner que même le fait de pouvoir énoncer ce que l'on a vécu ne signifie pas que l'on puisse en comprendre la signification. Il est clair que l'opération a poussé les enfants à se poser des questions, à s'informer, à réfléchir sur le sujet. En cela, l'objectif de la sensibilisation a été atteint. Comme bonne démarche scientifique, les élèves sont repartis avec de bonnes questions en tête. Mais une règle de base de l'enseignement est d'accepter de donner du temps à l'apprentissage. Cette initiative constitue un élément fort de sensibilisation, mais elle doit s'intégrer dans une démarche qui puisse répéter cette réflexion durant la même année scolaire. A cette initiative peut être jointe une action comme le parrainage financier d'élèves ce qui pérennise l'action sur plusieurs années scolaires. {{{{{Conclusion générale}}}}} Mener une action d'information et de sensibilisation à plusieurs Communes s'avère aujourd'hui être d'une grande utilité pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les différents pouvoirs locaux doivent eux-mêmes, dans leur ensemble, être informés et conscientisés. C'est effectivement eux qui, dans un premier temps, doivent être convaincus de l'efficacité du fait que la Commune puisse être un acteur dynamique de la coopération au développement à travers ses compétences et ses attributions et du fait que les Communes puissent être des moteurs dans leur domaine en entraînant leurs concitoyens dans des micros-projets de coopération. La deuxième raison de l'utilité de cette opération est d'attirer l'attention du public et de l'électeur sur le fait que ces politiques sont menées, qu'ils sont susceptibles d'y être des acteurs et qu'ils sont aussi, comme électeurs, bien placés pour demander des « comptes » à leur pouvoir local face à la solidarité internationale et au développement durable de relations nord-sud. Une troisième raison est de permettre aux différentes Communes de faire connaître leurs projets, leurs méthodes, leurs réussites et leurs échecs en vue d'améliorer la compétence des uns et des autres. En la matière, il n'y a pas de concurrence mais une cause commune.