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L'économie sociale en Région bruxelloise, où en est le débat ?

Serge de Patoul
Député-Echevin {{Introduction.}} Le 2 avril 1998, j'ai déposé une proposition d'ordonnance visant à définir les aides accordées par la Région bruxelloise aux entreprises d'économie sociale. Quatre ans après une discussion sérieuse a enfin commencé en commission des Affaires économiques au sujet de cette proposition. Rappelons brièvement les grandes lignes de la proposition déposée : -* Octroyer un subside non récurrent de lancement -* Accorder un subside en bonification d'intérêt -* Prendre une participation dans le capital de la société -* Fournir la garantie de la Région lorsque la société souscrit un emprunt auprès d'un organisme financier. Dans la proposition, les formules d'aides sont proposées à des entreprises d'économie sociale, soit les sociétés à finalité sociale telles que définies par la loi du 13 avril 1995. Il est également à noter que la proposition se soucie d'assurer une formation adéquate aux gestionnaires des entreprises d'économie sociale. {{L'état du débat en commission.}} La commission des Affaires économiques a entamé la discussion générale sur ma proposition. Très vite des clivages se sont créés. Le clivage essentiel s'est porté sur la définition de l'économie sociale et donc la nature des entreprises concernées par le débat. Ces clivages peuvent être résumés comme suit : -* Un premier groupe (essentiellement le parti socialiste) considère que l'entreprise d'économie sociale est une entreprise d'insertion socioprofessionnelle. Pour eux, l'économie sociale doit être conçue exclusivement comme une économie qui crée de l'emploi. -* Un second groupe prend la notion de l'économie sociale dans un sens beaucoup plus large. L'entreprise d'économie sociale est une entreprise dont l'objectif est de répondre à des besoins sociaux. L'esprit de la proposition correspond à cette seconde optique. Elle se base sur le fait que l'économie sociale est une économie qui doit créer de l'activité. Il est à noter qu'il y a unanimité sur le fait que l'entreprise d'économie sociale répond à un objet social qui ne peut être à la recherche de profit financier. Avec ces deux approches profondément différentes, la commission s'est trouvée confrontée à un premier blocage. Ce blocage est essentiel. Tout raisonnement en matière de politique liée à l'économie sociale dépend de la définition de l'économie sociale. La commission a dès lors décidé d'auditionner des acteurs de terrain ainsi que des observateurs avertis. Ont ainsi été auditionnés, Les Petits riens, la société à finalité sociale Madre, située à Schaerbeek, le Crédal (Agence conseil en Economie sociale), la Confédération Européenne de Coopératives de Production et de Travail associé, des Coopératives sociales et des Entreprises participatives (CECOP) et la Société Régionale d'Investissement Bruxellois (SRIB). Unanimement, les commissaires qui ont suivi les auditions, reconnaissent la qualité et l'intérêt de celles-ci. Il est donc regrettable que le ministre ou son cabinet n'ait pas estimé nécessaire de suivre ces travaux. Le travail déjà réalisé par la commission constitue une première parlementaire en Belgique. Ce travail, tant au niveau du Parlement bruxellois que des autres parlements régionaux, communautaire et fédéral constituera une référence, un socle pour les travaux sur le sujet. {{Que retenir de ce travail ?}} A la suite de ma proposition méthodologique que j'ai soumis à la commission pour faire progresser le débat, il a été décidé que chaque groupe politique fasse la synthèse de ce qu'il retenait des auditions. De ces synthèses, il se dégage des points sur lesquels il y a accord entre les différents groupes politiques. Ces points sont les suivants : -* Lancer une activité économique est très difficile. Lancer une entreprise d'économie sociale est encore plus difficile parce que confronté à des difficultés supplémentaires. -* Avant tout lancement de projet d'économie sociale, il est indispensable de réaliser une étude de faisabilité précise du projet. -* Il y a lieu d'éviter de concentrer les difficultés, comme la difficulté de créer de l'activité et celle d'assurer en même temps l'insertion socioprofessionnelle. -* La rémunération du capital ne doit pas être trop bas sous peine de ne pouvoir attirer aucun capitaux excepté les capitaux publics. -* Les aides publiques pour l'économie sociale ne peuvent pas se limiter à la phase de lancement d'une entreprise d'économie sociale. Il est effectivement extrêmement difficile pour une entreprise d'économie sociale d'acquérir une autonomie financière résultant de son activité. Dans cet esprit, pour répondre à ce problème, une formule possible consiste à ce que l'entreprise d'économie sociale travaille dans le cadre d'un contrat de gestion avec un ou des pouvoirs publics. De l'ensemble des débats, il est donc ressorti qu'il y a nécessité de légiférer en la matière pour répondre à la déclaration gouvernementale qui prévoit, en sa page 18, dans le paragraphe intitulé “ maintenir la diversité économique ” ce qui suit : “ une politique volontariste sera mise en œuvre en faveur de l'économie sociale et du secteur non marchand ”. Il s'est également dégagé des auditions que la législation fédérale au sujet des sociétés à finalité sociale est inappropriée pour développer l'économie sociale. De plus, la législation régionale en matière de société d'insertion socioprofessionnelle est bien trop contraignante et compliquée que pour être réellement un stimulant à des initiatives dans le secteur de l'économie sociale. La situation est donc claire. Les parlementaires sont dans l'obligation de continuer le travail entamé par la commission des Affaires économiques afin d'aboutir à la création d'outils qui puissent être de réels stimulants pour l'économie sociale. {{Contexte politique.}} Comme évoquée ci-dessus, la déclaration gouvernementale indique explicitement la volonté de développer l'économie sociale en Région bruxelloise. Il est opportun de rappeler que cette déclaration gouvernementale avait été rédigée en juin 1999 par les partis de la majorité plus Ecolo. L'ensemble de ces formations politiques avaient approuvé cette déclaration. Force est de constater qu'à la mi-législature, il n'y a pas de projet du gouvernement en la matière. Il n'y a que de vagues engagements. Effectivement, le Ministre a communiqué à la commission “ ...S'agissant de la réforme de l'ordonnance sur les entreprises d'insertion, il me paraît important de souligner qu'elle s'accompagnera d'un projet d'ordonnance sur les initiatives locales de développement de l'emploi qui a pour objectif de donner un cadre législatif aux asbl œuvrant dans le secteur de l'économie sociale. Ces différents projets sont encore à l'étude. Ils seront présentés prochainement à l'approbation du Gouvernement et soumis à l'avis du Conseil d'Etat et du Conseil Economique et Social... ” Le courrier du Ministre indique que son cabinet n'a manifestement pas compris le contenu du travail déjà réalisé par la commission. Or, le temps passe vite ! Les parlementaires doivent donc prendre leurs responsabilités. Or, il faut bien constater que ceux qui ont une conception qui limite l'économie sociale à une politique d'emploi s'acharnent à ralentir les débats. {{Les modifications apportées}} En vue de prendre en considération le travail déjà accompli et de réactualiser le texte déposé en 1998, j'ai déposé des amendements à ma proposition en intégrant ce pourquoi les différents groupes ont montré leur approbation. Tout d'abord, je propose une autre définition des sociétés susceptibles de bénéficier d'aides particulières dans le cadre de l'économie sociale. Au lieu de se référer à une structure juridique, je suggère de prendre en considération des sociétés qui répondent à un comportement. En l'occurrence des sociétés qui : -* limitent la rémunération du capital ; -* ont un objet social qui répond à des besoins de la collectivité ; -* ont un processus d'association des travailleurs de la société à la gestion de celle-ci ; -* ont un processus de consultation des utilisateurs des services en vue de gérer la société. Cette nouvelle approche permet de sélectionner toute entreprises qui répondent à des critères qui correspondent à une entreprise qui veut fonctionner suivant les normes de plus en plus acceptées au niveau international pour définir ce qu'est une entreprise d'économie sociale. Le deuxième amendement est l'élargissement des aides au-delà de la simple phase de lancement de l'entreprise d'économie sociale. La troisième modification est d'augmenter les aides financières pour qu'elles correspondent mieux aux besoins et en particulier de stimuler la réalisation des études de faisabilité préalables au lancement du projet. Les montants des subsides ont été augmentés parce qu'il est également ressorti que des montants de subsides trop bas ne sont pas un moteur susceptible de lancer une initiative mais simplement un surplus par rapport à des capitaux trouvés par ailleurs. Il est vrai que ce surplus peut correspondre aux masses financières que les entrepreneurs, initiateurs du projet utilisent pour des imprévus. Il est évident que légiférer en la matière pour stimuler, signifie que l'on doit créer une législation qui stimule ! {{Quid de la concurrence ?}} Il est important d'éviter que l'économie sociale crée une distorsion de concurrence. L'optique dans laquelle la proposition a été rédigée et défendue est de placer l'économie sociale dans le système économique traditionnel. Elle doit donc respecter les règles de cette économie. Autrement dit, une entreprise d'économie sociale ne peut donc pas bénéficier de subsides récurrents, directs ou indirects. Autre chose est la situation où l'entreprise d'économie sociale assume des besoins collectifs qui devraient être pris en charge par le pouvoir public. Dans une telle situation, il est normal qu'il y ait un contrat de gestion entre le pouvoir public “ défaillant ” et l'entreprise d'économie sociale. Dès lors, il est logique que le pouvoir public paie l'entreprise pour le service qu'elle rend. De plus, au vu des difficultés particulières de l'économie sociale, il faut considérer que les handicaps peuvent être, à un moment donné, compensés par des aides financières. Il reste néanmoins impératif que les entreprises d'économie sociale soient d'une manière ou d'une autre financièrement indépendantes. Nous pouvons dès lors considérer que les aides financières que prévoit la proposition réactualisée ne sont nullement source de distorsion de la concurrence. {{Quid de l'emploi ?}} L'économie sociale est une source d'activité importante. Dès lors, elle est pourvoyeuse d'emplois. Néanmoins, son objectif n'est pas de fournir de l'emploi mais de répondre à des besoins collectifs. Ce raisonnement est identique à celui de l'économie en général. L'économie est là pour créer un bien-être dans le respect de tout un chacun. L'économie n'est donc pas là pour créer de l'emploi. Mais Il est évident qu'il n'y a pas une économie sans emploi. Si le besoin auquel on veut répondre est de l'insertion professionnelle, nous avons à faire à une société d'insertion socioprofessionnelle. Ce type de société est bien une société d'économie sociale mais ce n'est qu'un type d'entreprise d'économie sociale. Il peut donc y avoir des sociétés d'économie sociale qui ne soient pas nécessairement des sociétés d'insertion socioprofessionnelle, comme par exemple des entreprises dans le secteur du recyclage de déchets. Il est important de souligner, surtout pour la Région bruxelloise, que l'économie sociale propose en général des emplois peu qualifiés. C'est donc un secteur d'activités intéressant en Région bruxelloise, vu le nombre important de chômeurs peu qualifiés. {{Conclusion}} Au vu du travail déjà accompli par la commission des Affaires économiques et des points d'accords qui se sont déjà dégagés, et sachant que ce qui est accompli aujourd'hui devra constituer un socle sur lequel d'autres travaux en la matière pourront se fonder, il serait aberrant que le Parlement se défile de sa mission.