Les relations entre les autorités locales et le pouvoir judiciaire : le cas d’Etterbeek

Intervention au parlement le 2 juin 2015 et réponse du Ministre-président, compte-rendu intégral

M. Serge de Patoul (FDF), député

Les pouvoirs locaux sont régulièrement confrontés à des travaux dans les espaces publics. Ceci peut susciter des nuisances pour les riverains, notamment en matière de stationnement. Les pouvoirs locaux doivent trouver des formules pour minimiser l'embarras de leur population suite à ces travaux.

Notre organisation de la démocratie se base sur trois pouvoirs distincts: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Dans cette organisation, le pouvoir judiciaire est indépendant, et son fonctionnement ne peut donc subir aucune interférence du pouvoir exécutif. Ce principe de base de notre démocratie doit être respecté à tous les niveaux du pouvoir exécutif.

À Etterbeek, une lettre circulaire a été envoyée aux habitants pour constater la difficulté de trouver un stationnement à cause de travaux en cours.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.

Il est dommage que M. De Wolf soit dans le couloir.

M. Serge de Patoul (FDF), député

Oui, c'est dommage, mais j'espère qu'il nous écoute, au moins.

Le courrier stipule: "Les riverains n'étant pas responsables de cette situation, nous avons pris l'initiative de contacter le Parquet de Bruxelles pour lui demander de faire preuve de tolérance envers les contrevenants stationnés aux abords immédiats du chantier, pour autant que ce stationnement non autorisé ne soit pas dangereux pour les autres usagers. Ces dispositions resteront effectives jusqu'à la fin du mois de mars2015. À ce titre, nous vous rappelons toutefois que le bourgmestre ne détient aucune compétence en matière judiciaire. Cette initiative menée auprès du Parquet n'implique dès lors aucune garantie en termes de verbalisation, la police et le Parquet restant seuls juges en la matière. En dépit de cette mesure de tolérance, dans le cas où un procès-verbal serait établi à votre encontre, pour cause de stationnement non autorisé (bien que non dangereux), nous vous invitons à en communiquer copie auprès du cabinet du bourgmestre par courrier (Hôtel communal, 115 avenue d'Auderghem, 1040 Etterbeek) ou par e-mail (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)".

Le caractère ambigu de cette lettre-circulaire portant sur le fonctionnement de notre démocratie suscite les questions suivantes :

L'autorité de tutelle des communes a-t-elle eu connaissance de la distribution de cet avis à la population? Si c'est le cas, quelles sont les mesures qu'elle a prises vis-à-vis de la commune d'Etterbeek? Si l'autorité de tutelle n'en est informée que par le biais de cette question, quelles dispositions le gouvernement prendra-t-il?

L'autorité de tutelle connaît-elle la démarche entreprise par la commune d'Etterbeek auprès du Parquet de Bruxelles? Le ministre peut-il préciser la démarche de la commune d'Etterbeek?

Quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour garantir la non- intervention des pouvoirs exécutifs locaux dans le troisième pouvoir de notre démocratie qu'est le pouvoir judiciaire?

Quelle est la position du gouvernement face à une lettre-circulaire d'un bourgmestre incitant à ne pas respecter le Code de la route?

Quelles mesures le gouvernement va-t-il prendre afin que la commune d'Etterbeek ne puisse faire aucun suivi auprès du Parquet de Bruxelles des verbalisations qui lui seraient transmises?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.

M. de Patoul, il me paraît nécessaire de préciser d'emblée que les communes ne transmettent pas à la tutelle l’ensemble des avis et communications qui sont faits au public. Ne sont communiqués à la tutelle, en vertu du point16 de l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 16juillet1998, que les décisions qui ont fait l’objet d’une délibération du collège des bourgmestres et échevins.

Dans le cas présent, il semblerait qu’il s’agisse d’une initiative du bourgmestre dans le cadre de ses compétences de police, sans qu’il n’y ait eu de délibération du collège. Dans ces circonstances, nous n’étions pas informés de cette lettre-circulaire qui, semble-t-il, a été envoyée à des résidents d’un quartier de la commune d’Etterbeek.

N’ayant pas été informé de la démarche et n’ayant pas reçu de copie de ce courrier, j'éprouve des difficultés à préjuger de l’objectif de la démarche et des circonstances dans lesquelles les contacts avec le Parquet ont été établis.

Néanmoins, il n’est pas exceptionnel que les communes et le Parquet collaborent dans le cadre des infractions relatives à l’arrêt et au stationnement, soit les infractions mixtes. En pratique, la compétence de constater et poursuivre ces infractions est peu exercée par la police, et c’est pour cette raison que la compétence des communes a été élargie dans le cadre de la loi relative aux sanctions administratives communales (SAC), afin qu’elles puissent prendre des sanctions administratives. Un protocole d’accord avec le procureur du Roi est obligatoire pour cette matière.

Toutefois, comme vous l’évoquez dans votre question, notre constitution garantit la

séparation des pouvoirs, et le Parquet reste évidemment libre d’agir comme bon lui semble face à cette demande. Dans l’extrait que vous citez, il semble qu’il soit bien stipulé que la lettre adressée par le bourgmestre précise que celui

-ci ne détient aucune compétence en matière judiciaire et qu’il n’y a aucune garantie en termes de verbalisation, la police et le Parquet restant seuls juges en la matière.

Ceci étant dit, la fin de votre citation peut effectivement prêter à confusion, dans la mesure où les riverains sont invités à communiquer une copie des procès-verbaux qui seraient établis au cabinet du bourgmestre. Ce dernier passage, s’il est avéré, paraît pour le moins ambigu puisqu'il laisserait penser qu’une intervention du bourgmestre serait encore envisageable malgré la verbalisation.

Afin de pouvoir éclaircir toutes ces questions, j'ai demandé à l’administration des pouvoirs locaux de se renseigner auprès de la commune d'Etterbeek sur ce courrier, sa diffusion et l'éventuel suivi qui aurait été fait des procès-verbaux adressés à la commune.

Il nous faut rester prudents, ne pas donner de faux espoirs aux citoyens en mentionnant une illusoire capacité d'intervention.

M. Serge de Patoul (FDF), député.

J'aimerais connaître le suivi réservé à ce dossier. J'ai eu le document en main, ce qui prouve qu'il existe et qu'il a été distribué. Les extraits que j'ai cités sont fidèles à la circulaire.

Par ailleurs, il me parait tout à fait logique que l'autorité de tutelle n'ait pas été informée de l'incident. Loin

de moi l'intention de rechercher l'obligation d'information sur ce genre de distribution.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.

Je pense qu'en l'espèce, vous vous heurteriez à certains collègues, y compris au sein de votre formation politique.

M. Serge de Patoul (FDF), député.

Tout à fait! Cela me paraît tout à fait logique. J'enregistre bien la démarche que vous avez entamée. Je serais très intéressé d'en connaître le suivi. Je tiens tout de même à souligner que le dernier paragraphe est inadmissible car il crée la confusion et, surtout, qu'il sous-entend que le Code de la route varie en fonction de la possibilité ou non d'intervenir auprès du bourgmestre.

Comme vous, je conclurai en disant qu'il ne faut jamais donner de faux espoirs à la population. C'est un très mauvais signal envoyé par le monde politique.